WELCOME AGAIN
Guillaume Clermont - du 30 novembre au 6 décembre
Finissage le 6 décembre dès 14h
et les mots viennent
en sortant de mes os
comme une poignée de terre de survie
lancée contre les perroquets des vies fardées
pour négligence de la beauté
Robbert Fortin, Les nouveaux poètes d’Amérique
Faussement savantes bien que kourkoviennes, les œuvres de Guillaume Clermont sont comme le plat du jour à la cafétéria: une répétition sans surprise qu’on accepte faute de mieux. L’artiste se plaît à rappeler sous le chapeau qu'il peint obstinément le même crâne depuis une dizaine d'années. Comme quoi, tant que la cuisine est propre, les restes de la veille peuvent très bien être servis le midi suivant.
Dans la ruelle; une pelle, un sombrero, un tapis.
La pelle, dont l’utilité nous échappe d’abord, est négligemment posée contre le mur. Cousine bâtarde de la pelle à neige duchampienne, elle sert cependant à creuser le sol et paraît inutile en ce début d’hiver.
Le sombrero, comme un cliché ethnique dans une conversation, nous distrait un temps du tapis que l’on piétine: WELCOME AGAIN.
L’invitation a de quoi laisser perplexe. S’adressant tant aux habitués de son travail qu’aux visiteurs de New Eldorado, l’artiste nous accueille ironiquement dans un cul-de-sac contigu pour la dernière manifestation du lieu d’art clandestin.
Aux objets nonchalamment exposés dans l’éminent cagibi s’ajoute une vidéo accessible en ligne. Univers parallèle, mi-fiction, mi-réalité, celle-ci met au jour un promeneur, à l’allure indéfinissable, banquier ou cuistot, tout aussi inquiet que serein. Il marche, creuse, fume, puis s’en retourne. Le dernier plan de la vidéo laisse dubitatif et silencieux: au fond d’un trou, un tableau avec lapin et crâne en boîte.
À la manière du pirate La Buse sur l’estrade de sa potence, ce promeneur ne nous suggère-t-il pas qu’il y a sous nos pieds son trésor? L’a-t-il déterré? L’a-t-il enseveli? N’est-ce pas là finalement le renversement proposé par l’artiste? Tel un Schrödinger en proie à des allergies félines, Clermont nous convie donc, sans mot dire, à nous acquitter de la sale besogne: celle de creuser son trou sans craindre le Pays sans chapeau.
Fiona Darbon Van Maercke, novembre 2015
Crédit photo: New Eldorado